Encadrement du cannabis en France : de quel modèle s’inspirer ?
À l’heure où plusieurs pays comme le Canada ou les États-Unis se sont engagés sur la voie de la légalisation du cannabis, imaginant différents modes d’organisation de ce nouveau marché, quelles pistes sont envisagées en France ?
Avec
- Marie Jauffret-Roustide Sociologue et chercheuse au centre d’étude des mouvements sociaux à l’INSERM. Elle coordonne le programme "Sciences sociales, drogues et sociétés" à l'EHESS.
Légalisation du cannabis : une crispation française ?
À l’heure où des pays comme l’Allemagne ou la Suisse s’engage sur la voie de la légalisation du cannabis, en France, une certaine hostilité liée au contexte de la loi du 31 décembre 1970 demeure, rappelle Marie Jauffret-Roustide : “cette loi, qui a pénalisé l’usage du cannabis, a été votée pour criminaliser également les jeunes révolutionnaires, dans le contexte particulier post mai 68. Elle se présentait comme une loi de santé publique à l’époque, mais c’était aussi une loi de contrôle social”. C’est pourquoi en France, l’approche de la question de la légalisation du cannabis est “morale et émotionnelle, à la différence des autres pays qui ont une vision plus pragmatique et axée sur la santé publique” avance la sociologue.
France : un constat d’échec de la prohibition
Pour Marie Jauffret-Roustide, il s’agit de dépasser cette approche “morale” qui ne fonctionne pas : “la France est le 2e pays d’Europe sur 34, au vu de la proportion de jeunes de 16 ans qui ont consommé du cannabis dans le dernier mois, alors même qu’on a une des politiques les plus répressives d’Europe. Cela montre que la prohibition ne marche pas”.
À ses yeux, la légalisation “ne signifie pas le laisser-faire. Elle implique un encadrement plus strict de la consommation à des visées de santé publique et de justice sociale. De plus, on observe que dans les pays qui ont légalisé, la consommation a augmenté chez les adultes, mais elle a baissé chez les jeunes, parce que l’accès au cannabis légal est généralement interdit avant la majorité”.